Mot du Président

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Un Choix évident : Politique confuse ou Pragmatisme constructif ?

« Ne nous trompons pas, il existe en Iran une structure économique et industrielle solide, indépendante du contexte politique. »

 

Pendant plusieurs mois en 2016 et après la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire iranien, (« Implementation Day du JPCOA » : 16 janvier 2016) nous avons cru à un nouveau départ pour l’Iran et la communauté internationale. L’accord négocié entre le P5+1 (Membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU plus Allemagne) et l’Iran était l’aboutissement de longues négociations entamées tout d’abord par les Européens en 2003 et finalement conclu en collaboration avec La Chine, la Russie et les États-Unis. L’accord a demandé de grands compromis de la part des Iraniens ainsi qu’une habileté et ténacité hors pair du Secrétaire d’État américain, John Kerry. Depuis la révolution iranienne en 1979, un accord entre Iraniens et Américains était devenu rarissime, voire antinomique.

Fin 2016, le résultat de l’élection présidentielle américaine a mis en question tout le potentiel et la bonne volonté créés par l’accord et noués par les longues négociations. La confusion politique  menée par le président Trump, et aggravée par les rivaux (saoudien…) et les opposants (israélien…) de l’Iran n’est pas aidée par l’attentisme de certains Européens.

Le 8 mai 2018, la décision des États-Unis de se retirer formellement de l’Accord de Vienne surprend par sa brutalité. L’annonce de Washington d’imposer à l’Iran les sanctions « les plus fortes de l’histoire » ne fera qu’amplifier un blocage économique et financier qui existait déjà. Cette nouvelle situation imposera certainement à l’Union Européenne de prendre des décisions fortes pour protéger les entreprises qui sont actuellement actives en Iran ou qui ont des projets. Un retour en arrière semble irréaliste et plus que jamais il importe que les activités de nos entreprises en Iran soient aussi efficaces que possible, en surmontant les très graves problèmes actuels. Ne nous trompons pas ! Il existe, en Iran, une structure économique solide qui continuera à transcender le contexte politique, comme nous l’avons constaté dans le passé (par exemple pendant la guerre Iran- Iraq et sous les sanctions américaines des années 1990 et 2000)

La position complexe de l’Iran dans la région exige une approche en finesse de la part des Européens et non pas la sur-simplification et l’amalgame prônés par ses voisins et par « L’Homme Orange de la Maison Blanche ». Dans le cas contraire, les fruits des négociations, menées pendant presque deux décennies, seront perdus grâce aux principes incohérents et à l’irresponsabilité de l’administration Trump.

En France, nous avons tendance à politiser et à analyser tout à outrance. En effet, en changement perpétuel depuis plus d’un an, les aléas politiques internes et internationaux concernant l’Iran ont inexorablement conduit à des valses hésitations contre-productives. Certains experts de l’Iran continuent de scruter comme toujours, leurs boules de cristal avec l’espoir de prévoir l’avenir qui, inéluctablement, sera aussi transitoire qu’aléatoire. Pourquoi s’obstiner à tenter de prévoir quelque chose d’aussi éphémère qu’insaisissable, alors qu’il y a une réalité économique et démographique en Iran qui peut nous guider vers une politique intelligente et des actions tangibles ?

Après tant d’exemples catastrophiques d’interventionnisme américain, nous devons savoir que tout espoir d’évolution pérenne d’un régime ne peut venir que de l’intérieur du pays. Le changement de comportement et de posture des États-Unis au Moyen-Orient depuis l’élection de Trump et sa récente décision ne fait que renforcer l’aile dure du régime de Téhéran aux dépens du Président Rouhani et de la normalisation des relations de l’Iran avec la communauté internationale. La situation politique iranienne et internationale est, par définition, transitoire et comme nous l’avons constaté les exhortations du Président Trump et de ses conseillers n’ont pas permis une stabilisation de la situation au Moyen Orient, encore moins une amélioration du sort du peuple iranien, ni des relations de l’Iran avec la communauté internationale.

Je suis convaincu que les échanges économiques et les contacts entre Iraniens et Occidentaux qui en résultent sont les meilleurs vecteurs d’entente et de compréhension mutuelles. Ne nous trompons pas, il existe en Iran une structure économique et industrielle solide et indépendante du contexte politique. La meilleure façon de promouvoir à la fois nos valeurs européennes et nos intérêts économiques et politiques est de nouer des contacts pragmatiques entre nos industriels et leurs homologues iraniens.

Après une dévaluation catastrophique et incontrôlée sous Ahmadinejad, la politique monétaire appliquée par le Président Rouhani à partir de fin 2013 a permis une stabilisation du Rial Iranien (IRR) vers 35,000 IRR/USD. Cependant depuis moins d’un an le Rial a perdu encore du terrain, descendant à 42,000 IRR/USD. Cette évolution semble davantage liée aux procès inconsidérés du président Trump envers le JCPOA, plutôt qu’à la situation économique réelle puisque les réserves de devises étrangères ont augmenté avec l’accroissement de ses ventes pétrolières depuis 2016. Cette dégradation ne fait qu’affaiblir le Président Rouhani au profit des durs du régime qui sont, en outre, les plus bellicistes et partisans d’une expansion militaire dans la région.

Bien que dégradées par les sanctions internationales et par le mauvais management sous Ahmadinejad, l’infrastructure et l’industrie n’ont rien à envier aux voisins de l’Iran. Entre 2016 et mai 2018, les sociétés occidentales ont saisi de multiples opportunités, accrues par les besoins de mise à niveau ainsi que par l’ambition iranienne d’exporter vers les marchés voisins et par une population éduquée avide de technologie occidentale. Tout en étant attentif aux aléas politiques, voire médiatiques, le Cercle Iran Économie est convaincu qu’une fois prise la décision d’aborder le marché iranien, la clef de la réussite pour une société française n’est plus le peaufinage des analyses de la dynamique politico-économique, mais la compréhension et la bonne gestion des problématiques de managementpropres à ce pays complexe.

J’espère que nos politiciens européens trouveront la détermination et l’indépendance d’esprit nécessaires pour appliquer une politique intelligente et adaptée envers l’Iran. En attendant, le Cercle Iran Économie se propose de mettre en lumière les aspects pratiques et constructifs de l’économie, de l’industrie iraniennes afin de promouvoir au niveau du management les intérêts des sociétés françaises en Iran.

 

Nigel COULTHARD

Président du Cercle Iran Économie

Mai 2018